En juillet dernier, la Dares a publié les conclusions du colloque « Travail de plateforme et usages de la protection sociale » qui s’est tenu à l’automne 2022. Les participants ont identifié plusieurs défis : la difficulté à analyser un secteur récent et couvrant des réalités très variées, la protection sociale précaire des travailleurs, les restrictions imposées par les algorithmes des plateformes, ainsi que les périodes non comptabilisées comme du travail et donc non rémunérées.
Une harmonisation compliquée par une grande diversité de situations
Les participants au colloque se sont accordés sur une définition consensuelle du travail de plateforme : « une prestation effectuée par le biais de plateformes numériques ou d’applications mobiles assurant la mise en relation entre les fournisseurs et les utilisateurs de biens et services ».
Toutefois, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail souligne la « complexité de l’analyse du travail de plateforme, régime jeune et hétérogène ». Il couvre en effet des réalités très diverses, sur au moins trois aspects :
- les types de prestations, qui vont de tâches peu spécialisées requérant un niveau de qualification moindre aux conseils d’experts ;
- les formes d’emploi : micro-entreprise, salarié, freelancing ;
- les conditions d’exercice de l’activité : travail indépendant, coopérative.
Néanmoins, tous les métiers de plateforme s’inscrivent dans le périmètre d’une « économie de la demande ». Leur objectif est de répondre aux demandes des clients par des services quasiment sur mesure. Il reste que la fragmentation croissante du marché due au développement continu de l’offre favorise une forte concurrence, et constitue un obstacle à l’amélioration de la sécurité sociale des employés de ces plateformes.
Des conditions sociales précaires
Non seulement ces derniers endossent la responsabilité financière associée à la réalisation de leur mission, mais à l’exception des salariés, ils doivent payer pour leur couverture sociale, faute de dispositif de solidarité commun obligatoire.
Afin de se doter des moyens et garanties nécessaires, une partie d’entre eux recourt à plusieurs solutions simultanément, notamment les minima sociaux, le temps partiel et les missions de courte durée. En outre, en l’absence d’accompagnement individuel et collectif proposé par l’employeur, ou de formation, les travailleurs de plateformes doivent assurer eux-mêmes leur montée en compétence, ce qui précarise leur situation.
Et même lorsque les plateformes s’efforcent de faciliter l’intégration des employés, les algorithmes réduisent parfois l’efficacité des mécanismes anti-discrimination. Développées principalement pour administrer une large base d’utilisateurs, et rapprocher l’offre et la demande, ces règles se rendent parfois coupables de traitements inéquitables.
Ainsi, en Italie, un tribunal a condamné une plateforme pour discrimination indirecte, car son algorithme empêchait certains travailleurs absents pour raison médicale ou pour cause de grève d’accéder à certains créneaux d’activité.
Enfin, le calcul des heures de travail exclut certaines périodes, qui se retrouvent de fait non rémunérées. Dans le cas des livreurs par exemple, l’attente due à la préparation des commandes allonge leur temps de travail, ce qui rend cette profession difficilement compatible avec une vie familiale.
Bon à savoir : De plus en plus de travailleurs préfèrent s’engager avec une société de portage salarial. Le contrat de travail leur octroie des droits sociaux identiques à ceux des salariés classiques, incluant la formation professionnelle. Quant à leurs honoraires, ils tiennent compte du nombre total d’heures consacrées à la mission, au taux journalier convenu entre le salarié porté et le client.
Enfin, ce dernier bénéficie d’une totale autonomie dans le choix de ses clients et la gestion de son temps, et peut ainsi organiser son agenda en fonction de ses impératifs professionnels avec ses obligations personnelles et ses loisirs.