Entrepreneur, libre de la gestion de son temps et de ses priorités, autonome sur la définition de sa stratégie et la mise en oeuvre de son développement, maître de son réseau, de ses objectifs, de ses process, de ses honoraires, de ses conditions contractuelles et ayant droit de Pôle Emploi ?
Deux acceptions en apparence incompatibles
Deux acceptions en apparence incompatibles mais qui n'ont eu de cesse depuis 1998 de travailler à un rapprochement constructif pour former aujourd'hui un tout parfaitement homogène et équilibré.
L'Aide au retour à l'emploi (ARE) est en effet réservée par principe aux salariés qui cotisent à Pôle Emploi: alors quid du porté s'il est un entrepreneur ? Malgré les apparences trompeuses, le porté est un salarié, un salarié comme tous les salariés, un salarié de droit commun. Parce qu'il est lié à l'entreprise de portage par un contrat de travail (CDD, CDI) et parce qu'il doit rendre compte de son activité pour permettre à la société de portage d'établir sa facturation et de lui verser son salaire en conséquence, il a un lien de subordination vis-à-vis d'elle, qui caractérise et définit sa condition de salarié. Il relève donc du même régime juridique que tout salarié classique : le régime de droit commun, défini par le Code du Travail.
Comme tout salarié, le porté, pour pouvoir bénéficier d'indemnités de chômage, doit pouvoir justifier d'une période de travail de 122 jours consécutifs (4 mois), ou de 610 heures travaillées au cours des 28 derniers mois (pour les + de 50 ans, cette période est de 36 mois).
Comme tout salarié, le porté doit avoir involontairement perdu son emploi: seule la démission ne donne en principe pas lieu à indemnité. Et encore‰Û_ Huit exceptions légales la rendent légitime et ouvrent donc les droits à l'ARE: changement de résidence, démission de certains contrats de travail (contrat d'avenir, d'insertion ou d'emploi jeune) au profit d'une formation ou d'un CDD d'au moins 6 mois, ou lorsque le salarié été victime d'actes délictueux, ou dans les 91 jours du début de son contrat s'il n'était antérieurement pas inscrit à Pôle Emploi, ou parce qu'un CDI lui était proposé en lieu et place de son contrat, ou pour effectuer une mission de volontariat de solidarité internationale ou enfin, en cas de cessation de l'activité de l'une des entreprises (cliente ou de portage).
Comme tout salarié, le porté doit s'inscrire comme demandeur d'emploi, et être en mesure de prouver qu'il recherche effectivement et activement un emploi ou de mission de portage, ou qu'il est en cours de création d'entreprise.
L'ouverture des droits devient alors effective. Compte tenu de la nature pluridimensionnelle de son activité avec possibilité de missions concomitantes, il peut, depuis le 1er Octobre 2014 cumuler l'ARE et le fruit de son activité professionnelle sans aucune limitation dans le temps! On constate que la loi se veut très protectrice et stimulante en matière d'aide au retour à l'emploi: elle indemnise le porté entre 2 missions, elle n'oublie pas le åÇmulti-cartesåÈ qui devient mono-mission, elle ne délaisse pas le malchanceux qui quitte ses droits pour une mission sans lendemain‰Û_ Là oÌ_ encore récemment il était nécessaire de respecter un volume d'heure et un plafond de rémunération pour bénéficier du cumul, il n'y a aujourd'hui plus d'autre restriction que celle de ne pas excéder, en faisant jouer le cumul, le montant de la rémunération brute antérieure. Une précision plus qu'une restriction, qui répond à une parfaite logique, l'ARE n'ayant pas vocation à optimiser mais à épauler socialement le travailleur dans les situations délicates.
A l'heure de la précarité de l'emploi comme de la difficulté ou de la frilosité des entreprises à se projeter sur du long terme, cet accompagnement législatif est un véritable bienfait: il libère les uns de la crainte de åÇperdre en travaillantåÈ et favorise ainsi une dynamique professionnelle nécessaire à leur reconstruction; il renforce les autres par la souplesse et le respect humain qu'il génère dans la gestion de leurs ressources. A l'impossible, le portage salarial était tenu: il y est arrivé !
Odile Téqui - Novembre 2014