Ver.di et EVG, des syndicats du secteur des transports en Allemagne, ont organisé lundi 27 mars dernier une grève massive. Les deux organismes réclament une augmentation des salaires de 12 %. Le gouvernement propose pour l’heure une hausse des salaires plafonnée à 5 % et payée en deux tranches.
Les syndicats ont réussi à immobiliser complètement les moyens de transport en Allemagne. Cette démarche a pour but de faire réagir les employeurs sur la pertinence de leurs requêtes. Face à l’inflation, qui a atteint 9 % en février de cette année, les manifestants exigent une importante hausse des salaires.
Le mouvement est d’une ampleur inédite. Des millions de personnes se sont mobilisées pour faire entendre leurs voix. L’Allemagne n’a en effet pas connu pareille grève depuis les années 1930. Malgré les tensions sociales, le pays reste une destination de choix pour ceux qui se créent des opportunités en faisant du portage salarial à l’international.
Une demande d’augmentation salariale
Depuis 2014, les syndicats négocient un réajustement annuel des salaires. Cependant, cette pratique a cessé en 2020 à cause du Covid. Les deux syndicats Ver.di et EVG exigent que le salaire minimal augmente d’au moins 500 euros. Concrètement, ils demandent une hausse de 10 voire 12 % des salaires pour aider les employés à faire face à l’inflation. De leur côté, l’Etat, les entreprises publiques et les collectivités locales ne souhaitent accorder que 5 % d’augmentation tout au plus. En outre, cette hausse serait payée en deux temps : 1 000 euros cette année et le reste l’an prochain. Les syndicats et les grévistes prennent cette réponse comme un affront. Alors, ils ont mis en place une riposte plus intense pour faire pression sur les employeurs.
Rejoignant cette grève massive, la Deutsche Bahn a entièrement suspendu le transport sur ses grandes lignes. Cette compagnie est l’équivalent de la SNCF, et sa décision a entraîné un lundi noir à Berlin comme en province. En effet, tous les métros et tramways étaient à l’arrêt le 27 mars 2023. Il en est de même pour les lignes de bus. Le transport aérien a voulu monter sa solidarité avec les grévistes. Ainsi, tous les vols ont été annulés, notamment à Munich et Francfort.
Les employeurs ont également dû faire face à des « grèves d’avertissement ». Ces manifestations étaient organisées par les personnels des hôpitaux et des établissements scolaires. Pour les Allemands, leur pays est dans une situation chaotique.
Une grève phénoménale
La « mégagrève » est un mouvement social d’une ampleur inédite en Allemagne. Les syndicats qui en sont à l’origine affirment que 230 000 salariés et 2.5 millions de fonctionnaires y ont participé. De nombreux Allemands soutiennent les revendications des grévistes. Cette unité de la population a d’ailleurs facilité la mise en place des blocages.
Avec la pénurie de main-d’œuvre en Allemagne, le mouvement social croît rapidement. C’est d’ailleurs un argument de négociation utilisé par Ver.di pour faire pression sur ses interlocuteurs. L’organisation syndicale compte en effet dans ses rangs un très grand nombre de travailleurs. Si tous se mettent en grève, c’est le pays entier qui risque d’être paralysé.
Les négociations sont habituellement difficiles. Mais elles ne sont encore plus cette année, en raison notamment du poids de l’inflation qui pèsent sur les salariés. Les syndicats ne semblent pour l’heure pas vouloir céder sur leurs revendications. Les organisations s’estiment même en position de force pour faire plier les employeurs. Menacer de bloquer ne serait-ce qu’un seul secteur est une tactique qui a d’ailleurs déjà payé. Par exemple, les 160 000 salariés de La Poste ont obtenu une augmentation de salaire de 11.5 % après avoir menacé de faire grève.
Pour l’animatrice de Tandem-Europe et spécialiste de l’Allemagne contemporaine, Isabelle Bourgeois, cette manifestation est une réponse à un échec. Selon elle, « en Allemagne, on ne fait pas grève sur un coup de tête : c’est un outil organisé dont disposent les syndicats quand, au cours des pourparlers, les propositions leur semblent inacceptables. On ne fait grève que si le processus échoue. »
La grève est inédite aussi parce que différentes échéances se coïncident. En Allemagne, syndicats et employeurs signent en moyenne tous les deux ans des conventions fixant les salaires. Quand ces accords arrivent à leur terme, les deux parties se remettent autour de la table.
Après les manifestations, les syndicats espèrent avoir des chances de faire plier les employeurs lors des prochaines négociations prévues à la fin du mois d’avril.