Face au manque de main-d’œuvre dans certains métiers, le gouvernement envisage de régulariser des immigrés en situation illégale travaillant dans ces secteurs dits « en tension ». Une loi en ce sens serait ainsi en cours d’élaboration. Mais pour certains experts, les métiers concernés ne répondent pas à la réelle définition de métier sous tension.
Utilisation inadaptée du concept de « métiers sous tension »
Les économistes rappellent qu’« une tension sur le marché du travail est caractérisée par une demande plus forte que l’offre ». Toutefois, ils affirment qu’« une telle situation est courante et peut être ajustée par l’amélioration des conditions salariales et de travail dans la plupart des métiers ». Exceptionnellement, cette méthode peut ne pas fonctionner sur des niches où les compétences techniques sont encore insuffisantes, en raison d’avancées technologiques récentes.
Aujourd’hui, c’est le cas notamment des ingénieurs en algorithmique, des consultants IT experts en « data mining », ou encore des professionnels en informatique quantique ou inférence bayésienne. Pour ces « specialty market » requérant une expertise très pointue, les prix ne permettent pas de répondre à la pénurie de talents sur le court terme.
Or, pour certains experts, les métiers potentiellement couverts par le projet de loi « immigration et métiers en tension » comme le BTP ou l’hôtellerie-restauration « ne font pas partie de ces exceptions ». Ils expliquent que ces « commodity market », secteurs florissants, ne nécessitent pas de qualification particulière, et que la tension peut être réduite par l’ajustement des rémunérations et des conditions de travail afin d’attirer du personnel.
Et pour eux, cela passe par une meilleure redistribution de la valeur tout au long de la chaîne dans ces professions. Pour preuve, dans la filière BTP comme dans l’industrie de l’hôtellerie restauration, plusieurs grands groupes affichent des bénéfices colossaux. Et à l’approche des Jeux olympiques, les tarifs des nuitées dans les hôtels parisiens explosent, laissant présager de fortes hausses de leur chiffre d’affaires en 2024.
Une réforme déjà mise en place sans succès par le président Sarkozy
Sous le mandat de Nicols Sarkozy, une réforme avait été mise en place sous la pression des mises au chômage et des faillites massives annoncées par la profession. L’Exécutif avait accepté une baisse du taux de TVA à 5,5 %, au lieu de 20 %. Cette mesure devait permettre la création de 500 000 emplois, et de faire baisser les prix aux consommateurs de 11,8 %, le tout pour un coût annuel de 4 milliards d’euros. Mais le texte n’a pas eu l’effet escompté. En effet, seulement 15 000 emplois ont été créés sur une période de 5 ans, et aucune baisse des prix n’a été appliquée. Les acteurs du secteur ont cependant bénéficié des 4 milliards d’euros par an.
Aujourd’hui, ces experts estiment que « le projet de loi immigration et métiers en tension n’est pas justifié économiquement ». Ils soulignent par ailleurs « la France affiche l’un des taux de chômage les plus élevés d’Europe, et dispose de ressources humaines abondantes et prêtes à l’emploi pour des métiers n’exigeant pas des niveaux de qualification élevés ».