Comme la plupart des secteurs économiques, celui du conseil n’échappe pas à l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle générative (IAg). Les entreprises sont de plus en plus nombreuses à solliciter les cabinets pour les accompagner dans l’adoption de cette technologie. Mais en interne aussi, l’intégration de l’IAg dans les outils et méthodes de travail devient incontournable. Le succès d’une telle démarche requiert une stratégie adaptée associée à des enjeux spécifiques.
Dans la course à la GenIA, les poids lourds font figure de précurseurs
Certains cabinets de conseil ont saisi le potentiel de l’IA dès son émergence, et se sont positionnés en précurseurs. Ainsi, en 2023 et 2024, PwC a noué des partenariats stratégiques avec des acteurs majeurs de l’IA, tels que Harvey et OpenAI, lui permettant d’accéder à des technologies de pointe associées aux grands modèles de langage (LLM).
Par ailleurs, un milliard de dollars ont été investis dans le développement d’outils destinés aux équipes internes et de solutions sur mesure pour ses clients.
Selon un responsable du cabinet, celui-ci est devenu le premier client mondial de ChatGPT Enterprise, et se classe deuxième en France pour l’adoption de Microsoft 365 Copilot, d’après le nombre d’utilisateurs actifs quotidiens.
Un autre géant du conseil, Bain & Company, a investi massivement et très tôt dans l’IA. Après un premier accord en 2022, le cabinet a conclu en 2023 une « alliance de services mondiale » avec OpenAI l’année suivante. Aujourd’hui, tous ses collaborateurs ont le choix parmi ChatGPT Enterprise, Microsoft Copilot et Zoom AI.
Des approches plus ciblées pour les autres acteurs du marché
À l’inverse des mastodontes du marché, d’autres acteurs ont choisi de s’approprier la GenAI de façon plus graduelle ou plus ciblée. Par exemple, Eleven privilégie l’agilité, compte tenu de la diversité des domaines de spécialités des consultants en informatique : codage, stratégie, data science…
Lorsque les solutions existantes ne répondent pas à ses attentes, en particulier pour des cas d’usage liés au cœur de métier et non « génériques », le cabinet n’hésite pas à concevoir ses propres outils. Cette approche lui permet de rester flexible et de s’adapter rapidement aux évolutions technologiques.
PMP Strategy a également opté pour une stratégie intermédiaire, en développant une infrastructure IA en interne s’appuyant sur ChatGPT et Microsoft Copilot, mais sans souscrire de licence dédiée. Elle bénéficie ainsi à la fois des avantages du sur mesure et de la robustesse des solutions éprouvées.
Le coût, obstacle majeur à une adoption plus massive de la GenIA
Malgré ses promesses, l’intégration de l’IA générative soulève de nombreuses questions. Pour les cabinets de taille moyenne ou les startups, l’investissement initial requis pour se lancer peut constituer un frein.
Les coûts sont multiples et peuvent varier considérablement en fonction de l’envergure de la société, de l’ampleur du projet et des solutions retenues.
En premier lieu, les coûts d’acquisition des licences peuvent aller de quelques dizaines à plus d’une centaine d’euros par mois par collaborateur, avec un nombre minimum d’utilisateurs et un engagement de durée. Le budget peut ainsi atteindre des dizaines de milliers d’euros annuels.
En outre, il faut prendre en compte les frais d’infrastructure informatique (serveurs, baies de stockage, systèmes d’exploitation, bases de données), les coûts de développement si le cabinet décide de créer ses propres modèles, ainsi que les frais de formation des équipes, de maintenance et de mise à jour. Globalement, selon certains spécialistes, la GenIA peut représenter jusqu’à 15 % des dépenses totales en IT d’une entreprise.
Afin de les réduire, l’intégration des fonctionnalités d’IA dans des applications existantes via les interfaces de programmation (API) est pertinente. Ce modèle de tarification basé sur la consommation est source de flexibilité et d’économies.
Les enjeux liés aux données et à la gouvernance
D’autres sujets préoccupent les cabinets de conseil concernant l’IAg, notamment la protection des données. En effet, ils manipulent des informations sensibles de leurs clients, et doivent en conséquence en garantir la sécurité et la confidentialité.
De plus, la gouvernance de cette technologie, pour l’instant détenue majoritairement par des firmes américaines, pose un enjeu de taille. Son utilisation nécessite des règles claires et transparentes.
Enfin, les consultants doivent faire face à des défis liés à la qualité et la fiabilité des données et à l’interprétation des résultats générés par les modèles d’IA. Des processus de validation rigoureux doivent être mis en place pour assurer la pertinence des analyses et des recommandations.
L’IAg, le nouveau fer de lance des cabinets de conseil
En dépit de ces défis de taille, l’IAg devrait s’imposer comme un élément incontournable de la boîte à outils des professionnels du conseil au cours des prochaines années. En automatisant les tâches à faible valeur ajoutée et en améliorant la qualité des analyses, cette technologie est appelée à modifier le métier en profondeur. Les consultants économiseront un temps précieux et pourront se consacrer à des activités telles que la stratégie, l’innovation et la relation client.
Alors que la transformation numérique des entreprises se poursuit au gré des évolutions technologiques, réglementaires et économiques, la concurrence sur le marché du conseil va se durcir.
Les cabinets qui sauront tirer parti du potentiel de la GenIA pourront se différencier et renforcer leur position en proposant des services sur mesure et plus performants à leurs clients. Pour ceux qui n’ont pas encore franchi le pas, les experts recommandent une veille poussée, ou un rapprochement avec un petit acteur de l’IAg capable de leur fournir un socle adapté à leur core business.